Qui trop embrasse, mal étreint

Il y a quelques semaines, à la lecture d’une revue régionale, j’ai été interpelé par un article me concernant, dans le cadre d’un dossier sur les jeunes figures politiques du Nord-Pas de Calais. Pas tant par le fait que les journalistes m’avaient fait le plaisir de m’inclure dans la catégorie des « jeunes » (mais pour combien de temps encore ?? :-) , mais plutôt par une petite phrase qui disait la chose suivante : « son étoile a pâli suite aux élections de 2010, qui l’ont vu perdre son siège de conseiller régional ». Au fond ni vraie ni fausse, cette remarque m’a néanmoins inspiré certaines réflexions sur la vie politique et la manière dont elle est aujourd’hui perçue en France.

Une question majeure en est principalement ressortie : est-ce que, réellement, la qualité d’un homme politique se mesure au nombre de mandats qu’il occupe ?

Aujourd’hui, avouons-le, c’est assez souvent au travers de ce prisme que l’observateur lambda jugera « l’importance » d’un acteur politique. Néanmoins, pour moi la réponse à cette question est clairement non. Je suis même fermement convaincu que c’est précisément l’inverse, à savoir l’addition des mandats, qui est le pire ennemi de l’homme / femme politique.

C’est bien connu : on ne peut pas bien faire plusieurs choses en même temps. Pourtant, on pourrait presque penser que le cumul des mandats est devenu la norme, une sorte de sport national, tant les responsables politiques français en usent et en abusent. Député, maire, président de communauté d’agglomération, secrétaire du parti… Sénateur, conseiller régional, président de syndicat de communes, président de l’association XY… Le politicien français a ceci de fabuleux qu’il prétend pouvoir assumer à lui seul l’équivalent du travail de trois voire quatre temps-plein par mois. « C’est juste une question d’organisation », l’entend-on souvent répondre à l’imp(r)udent qui lui pose la question. Bon sang mais c’est bien sûr : l’homme politique français, sur-homme des temps modernes ! Las… la réalité est malheureusement moins glamour, son secret résidant tout simplement dans la délégation et le recrutement intensif de collaborateurs (secrétaires, assistants parlementaires, chargés de mission…) financés par la collectivité et chargés d’effectuer le travail de fond qu’il n’aura pas le temps de faire. Ou comment dépenser l’argent public plusieurs fois pour la réalisation d’une même tâche…

Pour justifier leur cumul de mandats, les responsables politiques avancent généralement tous le même argument : le fait de conserver des responsabilités locales, en plus de leur mandat national, leur permet de rester au contact de la réalité du terrain. C’est ainsi le cas pour 85% des parlementaires français… contre seulement 20% en Allemagne ou au Royaume-Uni. Oserait-on dire pour autant que ces démocraties européennes fonctionnent plus mal que la nôtre ? Evidemment non… Mais alors, comment expliquer cette exception française ? Tout simplement par notre système politique et législatif actuel, qui offre aux hommes et femmes politiques français la possibilité d’additionner les mandats… et les avantages qui vont avec :

  • Cumuler les mandats permet de cumuler les salaires et les indemnités associées (et donc d’engager des collaborateurs – cf. plus haut – de financer sa formation politique, et d’augmenter son niveau de vie)
  • Cumuler les mandats permet d’occuper l’espace, de le confisquer à ses concurrents et d’accroître sa visibilité
  • Cumuler les mandats permet d’avoir le Pouvoir, celui avec un grand P, celui qui agit comme une drogue sur qui le possède et en veut toujours plus.

Et l’intérêt général dans tout ça ? Euh… circulez, y’a rien à voir.

Argent, Monopole et Pouvoir sont hélas trop souvent les moteurs de l’accumulation des responsabilités, et ce sont précisément ces avantages qui pervertissent aujourd’hui la vie politique française et en pourrissent l’image auprès de l’opinion. Car au final, pour une poignée d’élus dont le cumul de mandats s’associe à un vrai dévouement politique et un réél désir de porter leurs idées sur des scènes différentes, combien font ce choix uniquement par intérêt(s) ?

Vous l’aurez compris, je suis farouchement opposé au cumul des mandats, cette exception à la française qui pervertit les valeurs, écorne l’image des responsables politiques aux yeux des citoyens, et empêche le renouvellement du paysage politique français. Il est grand temps de changer les règles et les mentalités, pour le bien de notre démocratie. Et tant pis si quelques étoiles, dont la mienne, doivent en pâlir :-)

Publié dans Billets d'humeur avec mots clés , , .

Une réponse à Qui trop embrasse, mal étreint

  1. Nathalie DERVAUX - Achicourt dit :

    Enfin des paroles justes, beez Nath :)

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>