Remettre l’éducation au coeur des projets : une urgence républicaine

Dans le cheminement de ma construction personnelle, l’année 1992 tient une place particulière ; une année qui m’a vu intégrer un collège public dans le cadre de mon service national. J’avais alors 24 ans. C’est au cours de ces mois, ô combien riches d’enseignements, passés au contact des élèves, des familles et des équipes enseignantes que j’ai pris frontalement conscience des réalités sociales et humaines, parfois dures, qui existent au sein de notre société. C’est aussi à cette époque que j’ai réalisé la chance qui m’avait été donnée d’avoir des parents qui ont toujours cru en les mérites et les bienfaits de l’école et, au-delà, m’ont toujours soutenu dans mon éducation.

L’éducation est le terreau dans lequel poussent les enfants d’une nation, en leur donnant les moyens de réussir, de se construire et de se réaliser. Elle est aussi le ciment qui permet d’en combler les différences de classes en offrant à chacun – sans distinction de sexe, de race ni d’origine sociale – un socle commun de valeurs, de culture et de connaissances. Elle est une chance à la fois pour la société mais aussi pour les hommes et les femmes qui la composent.

Dans une société républicaine cette chance doit pouvoir être donnée à tous.

Quand je parle ici d’éducation c’est au sens large du terme, cette notion se retrouvant par trop souvent galvaudée en étant réduite à sa simple expression scolaire. Précisément, l’ « Education », celle qui contribue à la construction d’un être et à son accomplissement en tant qu’adulte, ne peut être imaginée autrement que plurielle, tant elle englobe de nombreuses composantes : scolaire certes, mais aussi sociale, civique, artistique, culturelle, physique, religieuse, philosophique, politique…

Malgré ce constat, qui me semble pourtant être d’une académique évidence, nos élites pensantes semblent décidées à considérer de plus en plus l’école comme un lieu de vie, lieu unique de transmission de tous ces savoirs au travers d’un enseignant « multi-compétent » auquel on demande désormais « des qualités et des aptitudes qui sont celles d’un bon moniteur, pas d’un bon professeur », comme l’a finement analysé Alain Finkielkraut (Le Point n°2047 du 8 Décembre 2011) pour qui les récentes orientations ministérielles prouvent que « la transmission des connaissances n’est plus au cœur du métier d’enseignant ».

On tend de plus en plus à faire de l’enseignant l’artisan préférentiel de la construction de l’enfant… et par conséquent le responsable préférentiel des carences éducatives de celui-ci. L’enseignant est devenu une cible (trop) facile et automatique pour des adultes qui pensent désormais détenir à sa place la Vérité en matière pédagogique. Des attentes excessives et des reproches  injustes vis-à-vis d’un corps de métier dévoué à sa tâche, mais fatigué de voir chaque année un peu plus rognés sa condition, son prestige, son autorité.

Par là-même, on tend surtout à déresponsabiliser les autres acteurs de l’éducation du jeune, au premier rang desquels les parents, mais aussi les métiers de l’enfance, les éducateurs sportifs, les encadrants associatifs… Des adultes qui portent pourtant eux-aussi, chacun à leur niveau, une part de responsabilité dans l’éducation d’un enfant : respect de l’autre et du « vivre ensemble », respect de la règle, politesse, civisme…  principes qui ne peuvent être inculqués que par des adultes ayant eux-mêmes conscience de la valeur de l’exemple.

Pour remédier à ce pernicieux glissement de notre société et remette l’éducation – au sens large – au centre des priorités, il me semble avant toute chose urgent de réfléchir en profondeur à une redistribution et une clarification des responsabilités en :

  • Recentrant l’école sur sa mission première : INSTRUIRE.
  • Rappelant l’environnement familial et extra-scolaire à son rôle : ÉDUQUER.

Un rééquilibrage qui ne pourra se faire efficacement qu’à partir d’une véritable volonté politique, partagée de tous – Etat, Régions, Départements, Municipalités – afin de donner à chacune des parties concernées le support et les moyens nécessaires à l’accomplissement de leur fonction.

D’un côté il s’agira de s’assurer que les enseignants et établissements ont à leur disposition les outils financiers, matériels et structurels adaptés à leurs situations actuelles et en cohérence avec les objectifs fixés. Ce sera le rôle des instances ministérielles et des structures administratives associées – rectorats et inspections académiques – que d’être capables de se pencher avec courage et sans a priori sur des sujets qui méritent au minimum réflexion, au mieux refonte en profondeur : mode de recrutement des équipes éducatives, politique de gestion des ressources humaines, conditions salariales, constitution des programmes pédagogiques, méthodes d’évaluation des élèves et des personnels enseignants…

De l’autre il faudra pouvoir accompagner les familles dans leur rôle et accorder une attention particulière aux problématiques d’éducation « extra-scolaire », et ce dès le plus jeune âge : mise à disposition de structures d’accueil et de personnels spécialisés pour la petite enfance et l’enfance, accompagnement des parents en difficulté, création de structures de découverte et d’apprentissage, fourniture de matériels pédagogiques aux établissements, soutien des associations sportives ou culturelles, vigilance accrue quant aux valeurs véhiculées par les bénévoles et éducateurs associatifs… C’est là que les Municipalités et instances régionales et départementales pourront – et devront – jouer leur rôle à plein. A cela, une condition préalable : remettre l’Education au cœur des projets !

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