Le développement durable, une question de cohérence politique

Comme l’a analysé récemment Emmanuel Combe* sur le site d’information Atlantico.fr, on peut aujourd’hui diviser schématiquement le monde économique français en 2 catégories : « D’un côté, une industrie et des services aux entreprises qui sont largement ouverts aux vents de la concurrence (…). De l’autre côté, nous avons une partie du secteur des services à la personne qui est encore abritée des vents salutaires de la concurrence et où il y aurait sans doute beaucoup à faire. »

Nous pouvons classer dans cette seconde famille les transports publics et la fourniture d’énergie. Des secteurs dont les acteurs majeurs (SNCF, EDF, GDF, Total, …), forts de leur position quasi monopolistique et de leurs liens étroits avec l’Etat, peuvent en effet imposer sans difficulté leur politique économique aux usagers. Une politique qui se traduit rarement par des baisses de prix… Ainsi, en vrac : le prix de l’essence (SP95, Gazole) est aujourd’hui 15% plus élevé que l’an dernier à la même époque. Le tarif du gaz a lui augmenté de 4,4 % au 1er janvier dernier, avec l’aval du gouvernement. Même combat pour l’électricité, dont le prix ne cesse de grimper d’année en année (+1,7% en juillet 2011, et +1,2% en juillet prochain), malgré un contexte de crise et de précarité énergétique croissante.

Certes, dans un monde idéal, on pourrait dire que ces hausses de tarifs s’inscrivent dans une politique de développement durable, afin d’inciter les citoyens à plus de sobriété dans leur consommation et à préférer énergies renouvelables (EnR) et solutions de transport alternatives… sauf que, dans la réalité, on ne peut pas vraiment dire que la volonté politique aille dans ce sens puisque, dans aucun de ces domaines, aucune alternative crédible n’est aujourd’hui disponible ni clairement encouragée par les pouvoirs publics.

Une preuve parmi d’autres ? Alors que, dans le cadre du Grenelle Environnement, la France s’est engagée dans un programme de 2 000 km de lignes ferroviaires nouvelles à grande vitesse à lancer d’ici 2020 « afin de répondre à l’accroissement du transport de marchandises et développer des alternatives à la route », voilà qu’il nous a été annoncé en décembre dernier par la SNCF que les prix des billets de TGV augmenteraient de 3,2% en 2012 ! Une décision que la SNCF impute, pour moitié, au relèvement de la TVA réduite décidé par le gouvernement, et pour l’autre moitié aux investissements matériels et l’amélioration de la qualité de service indispensables à son activité. Arguments financiers d’autant plus surprenants que l’exercice 2011 a été largement bénéficiaire pour la SNCF, qui a tout de même reversé un dividende de 230 millions d’Euros à l’Etat cette année… Dont acte.

Où est, dès lors, la cohérence politique dans tout cela ?

Même si la SNCF doit effectivement faire face à de réelles contraintes économiques (notamment la hausse des péages exigés par RFF pour la modernisation du réseau ferré), on ne peut pas décemment, d’un côté, prôner l’utilisation de transports écologiques et laisser flamber les prix à la pompe et, de l’autre, ne pas tout faire pour rendre les transports ferroviaires plus attractifs et accessibles au plus grand nombre. Quid d’une fiscalité réellement incitative pour le train au détriment de la voiture ? Idem dans le domaine de l’énergie, des carburants… Autant de décisions qui sont du ressort des pouvoirs publics.

Les effets d’annonce et la communication, c’est une chose ; transformer les paroles en actes et avoir une vraie vision pour le futur de son pays, c’en est une autre. Et c’est bien cette dernière qui, pour moi, est du devoir du politique ! C’est à eux, à nous élus du peuple, de faire respecter aux acteurs économiques français – et particulièrement ceux du domaine des services publics – les orientations stratégiques qui ont été prises par nos gouvernements et qui engagent l’avenir de notre pays pour les prochaines décennies.

* Professeur à l’Université de Paris-1, professeur affilié à ESCP-Europe et membre du Collège de l’Autorité de la Concurrence. A publié de nombreux articles et ouvrages, notamment sur le modèle low cost.

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